NEWS / Qu’est-ce qu’il s’est passé depuis le début du huis-clos ?

Un résumé du procès dit de « l’Elbchaussée » depuis le 14 février 2019

Traduit de l’allemand, article en langue originale disponible ici

Posté par g20redak, un récit des événements survenus avant le 14 février devrait bientôt suivre.

Le 14 février, le policier M. Möller a été interrogé comme témoin. Il a reçu les résultats de l’analyse d’images et de vidéos demandées pour identifier les accusés. Il ne les a pas analysées lui-même, mais avait ordonné une expertise. Selon la description, il s’agit d’une vidéo sur laquelle on peut voir un groupe de cinq ou six personnes enlevant leurs vêtements et leurs masques de couleur noir tout en marchant, dans le quartier Paul-Nevermann-Platz/Präsident-Krahn-Strasse. La police pense avoir reconnu Loïc dans cette vidéo, tout en cherchant dans les autres images vidéo existantes, où cette personne supposée être Loic pouvait apparaître. Puisque les personnes sont masquées, les enquêteurs ont procédé par la taille et par l’allure. La police prétend ensuite l’avoir vu, entre autres endroits, près de la banque de l’allée Max-Brauer, en train de placer un objet pyrotechnique dans l’entrée d’une maison. Et ceci toujours uniquement selon son gabarit et l’analyse de sa démarche . Une autre personne avec des motifs blancs sur les gants, se serait trouvée aux cotés de cette personne aussi bien dans la Max-Brauer-Allee qu’à la gare.

Le propriétaire de l’établissement « Transmontana » a ensuite été entendu comme témoin à charge. Le Transmontana est un restaurant qui se trouve en face du centre autonome la « Rote Flora ». Il a déclaré avoir pris le sac-à-dos d’une personne qui lançait des bouteilles. Il a d’abord conservé ce sac puis, après y avoir trouvé un document d’identité, l’a transmis à la police. Dans le sac se seraient trouvés entre autres une carte d’identité avec une photo de Loïc enfant. Le copropriétaire du Transmontana a expliqué qu’il s’était énervé contre la personne, parce qu’elle lançait des bouteilles alors qu’en face une équipe médic était en train de s’occuper de quelqu’un. Il lui a plusieurs fois enlevé des bouteilles de la main. Il lui a ensuite pris son sac-à-dos. Il n’a pas pu décrire plus précisément la personne.

A la fin de la journée de procès, la juge a pris une ordonnance de 16 pages pour lever les mandats d’arrêt contre Halil et Can, pour motif qu’il n’y aurait pas de danger de fuite. D’une part leurs garanties de représentations du fait qu’ils sont étudiants et entourés de leur famille sont excellentes, et d’autre part la peine encourue n’est pas assez élevée pour craindre une tentative de fuite. Le mandat d’arrêt contre Loïc n’a lui pas été levé. Il reste donc en détention provisoire. Le procureur a immédiatement annoncé qu’il allait s’opposer à la levée des mandats d’arrêt. Le 22 février il a étonnamment annoncé qu’il ne fera finalement pas appel de la décision.

Le 15 février, Can et Halil ont comparu comme les autres accusés et ont ainsi réfuté le danger de fuite allégué par le ministère public. Contrairement à eux, le premier procureur Pashkowski n’était pas présent. Aucune raison n’a été donnée, mais il a probablement travaillé – sans succès – à sa plainte contre leur libération. La défense a relevé ce point et a dénoncé le culot du ministère public. En effet, celui-ci a voulu d’un côté affaiblir la défense en demandant à la cour supérieure de destituer les seconds avocats des prévenus, sous prétexte qu’ils ne seraient pas utiles, tandis que de son côté il allait de soi qu’on puisse se répartir les tâches.

Le témoin de la police, M. Klafak, a ensuite été entendu. Il est en réalité un agent des services de documentation et de recherche pour la police fédérale aux frontières à Uelzen. Il s’est cependant porté volontaire pour la « commission d’enquête spéciale Black Block » (ndlt : appelée en allemand la « SoKo Black-Block ») afin de procéder à l’analyse de photos et de vidéos. Il devait s’exprimer au sujet du « montage vidéo de l’Elbchaussée ». Il s’agit d’un court-métrage de 40 minutes de propagande de la police. Il met artificiellement bout-à-bout les vidéos qui ont été transmises à la police ou postées sur le portail de dénonciation en ligne mis en place après le G20.

Son interrogatoire n’a pas donné grand-chose. Il ne se souvenait plus bien de son activité pendant un an à la SoKo. Il a menti plusieurs fois, entre autres en déclarant qu’il n’avait réalisé ni coupures ni changements sur les vidéos. Il a pourtant fait les deux. Il a déclaré qu’il n’était pas lui-même un enquêteur, mais qu’il prenait ses ordres d’enquêteurs dont il ne pouvait ou ne voulait plus se souvenir des noms. Il ne souvenait plus non plus de la chronologie ou de la méthode des recherches. Selon lui, durant son passage à la SoKo, il est resté assis devant un ordinateur avec deux moniteurs à regarder des vidéos. Il a choisi au hasard des vidéos dans la base de données et les a ensuite visionnées en fonction de leur pertinence par rapport à l’enquête. Pour ce faire il a d’abord visionné des petits extraits de vidéos et a ensuite décidé s’il les regardait en entier ou pas. Il n’avait pas de système méthodique. Il savait que les vidéos du complexe Elbchaussée devait être à la lumière du jour, du coup il a écarté toutes les vidéos qui paraissaient trop sombres. De la même manière, si une vidéo montrait la rue Reeperbahn, il ne la regardait pas car ce n’était pas l’Elbchaussée. Pour le reste les enquêteurs lui auraient toujours indiqué quelle vidéo regarder et utiliser. Voila ce qu’il a fait lors de son année à la SoKo, durant laquelle il a réalisé le montage vidéo de 40 minutes. Il n’a pas non plus pu dire grand-chose sur l’identification présumée de Loïc, car il ne faisait que suivre des instructions et ne réfléchissait pas par lui-même.

Le 20 février, plusieurs témoins centraux sur lesquels le ministère public s’appuyait pour fonder ses accusations ont été entendus. Il s’agissait de l’affirmation que la « marche » à travers l’Elbchaussée avait en fait démarré par un rassemblement dans le parc Donners. Tout le monde s’y serait rencontré, aurait changé ses vêtements et serait parti. Cet événement n’aurait donc été possible qu’avec une planification commune. Ces thèses du ministère public sont ensuite parties en fumée au cours de l’audience. En effet, les trois témoins entendus ont affirmé qu’ils n’ont jamais fait les déclarations qui figurent dans les annotations de la SoKo. Ils ont nié s’être exprimés de cette façon devant la police. En clair, un témoin a précisé qu’il n’avait pas pu voir quoi que ce soit de concret puisqu’il faisait son jogging sur l’Elbe. Pour un autre témoin, il s’agissait d’une phrase qui laissait entendre qu’il y aurait eu une coordination des manifestant.e.s. Ce témoin a affirmé que cette déclaration était absurde et que la police a dû mal comprendre. Les déclarations des 2 témoins avaient été mises à charge dans le dossier, parce qu’elles correspondaient tout à fait avec le point de vue du ministère public. Quel hasard. Après cette journée de procès, il paraît clair que c’est la SoKo qui les a inventées.

Le 21 février, d’autres habitant.e.s de l’Elbchaussée ont été entendu.e.s. Ielles n’ont cependant pas pu affirmer grand-chose. Soit ielles n’ont qu’entendu des bruits d’impacts, soit ielles se sont concentré.e.s sur leurs propres container-poubelles en feu. De manière générale, il est apparu que les impressions véhiculées dans les déclarations des témoins ne sont pas réalistes. Il n’est cependant pour l’instant pas possible d’affirmer si cela est dû à un mauvais travail policier ou à une déformation volontaire des faits.

L’audience du 22 février fut très courte et n’a été fixée que pour que la pause jusqu’au prochain rendez-vous du 18 mars ne soit pas trop longue. La juge veut par la suite entendre les témoins qui ont déposé les vidéos sur le portail de dénonciation. Il s’agit bien entendu seulement des témoins qui ont laissé leurs coordonnées. Ceux qui ont profité de la possibilité de poster leur dénonciation anonymement ne peuvent logiquement pas être convoqués. Il est aussi clairement apparu lors de l’audience de la veille que le procès durera plus longtemps que prévu. La juge veut donc poser d’autres dates d’audience après le 10 mai.